Les fantômes ne pleurent pas

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les fantômes ne pleurent pas

CRÉATION 2012

Selon LUI : il y a une quinzaine d’années, il a rencontré la fille de ses hôtes, l’a séduite, elle est morte. Il n’a jamais retrouvé le corps.

Selon ELLE : elle est morte il y a longtemps, elle s’est perdue, elle ne sait comment revenir, ni même si elle peut revenir.

Les fantômes ne pleurent pas propose deux points de vue sur un même événement. Le texte s’accompagne d’un dispositif particulier : la scène est séparée en deux, par un rideau transparent. Le public est également séparé en deux groupes de spectateurs, correspondant à chaque côté du rideau-dans un premier temps, chacun des deux publics n’entend la version des faits que d’un seul acteur. Chacun explique « sa » vérité à un groupe de spectateurs. Les mouvements de chacun s’interprètent différemment. Des points de jonction auront lieu, sur le plan narratif comme sur le plan visuel : chaque personnage s’invite dans l’histoire de l’autre. Les deux publics finissent par être réunis et les deux versions confrontées – ce n’est pas la même histoire qu’on a vécue des deux côtés.
Deux personnages parlent de la mort, de la projection que chacun a sur l’autre dans une relation amoureuse, du deuil et de la difficulté à le faire. Comme souvent dans mes spectacles, j’y pars d’une notion (ici le point de vue), d’un dispositif plastique (ici, une envie de travailler sur les larmes), et de personnages échappés de romans littéraires, ici ceux du Rideau cramoisi de Barbey d’Aurevilly et des Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë.

Ce spectacle naît d’une envie de travailler sur la bascule du point de vue, comme le récit cinématographique peut le pratiquer, et permet au spectateur de s’identifier à un personnage puis à l’autre, successivement, selon les informations que donne le scénario, selon la focalisation –je pense en particulier à Histoire de Marie et Julien de Jacques Rivette, et aux films d’Asghar Farhadi. Mais là où le cinéma crée une alternance de point de vue, qui se définit par la succession, le théâtre permet une simultanéité. La conception de ce spectacle fait suite également à une réflexion que je mène depuis longtemps sur la place du spectateur, l’envie de m’adresser à des petits groupes plutôt qu’à un groupe homogène, de susciter pour chaque spectateur des questions, des envies de compléter les zones d’ombres en construisant sa propre fiction.
Les fantômes ne pleurent pas traite de la vérité – existe-t-elle ? est-elle variable selon les points de vue ? à partir de là, comment peut-on s’accorder sur le monde dans lequel on vit ? – ce qui est la question de la justice, mais aussi de toute cohabitation dans un même monde.

Ne voulant pas aborder ce thème frontalement, comme j’ai pu le faire dans Si c’était à refaire, texte qui traitait de la responsabilité pénale et juridique, et des différentes interprétations qui peuvent exister autour d’un même acte, je souhaite ici faire vaciller le pacte même conclu entre acteur et spectateur, en passant d’un code à l’autre. D’où une envie de travailler sur le genre du fantastique, qui se définit par l’hésitation qu’il introduit chez le spectateur : le merveilleux fait irruption dans un monde rationnel- l’explication rationnelle coexiste toujours avec l’explication merveilleuse. Ce genre pose la question du code de représentation de façon fondamentale et est, actuellement, très peu représenté au théâtre. L’hésitation fantastique correspondra parfois, parfois non aux deux côtés présentés aux spectateurs et qui correspondront chacun à une « vérité » – chaque groupe de spectateurs n’entendra et ne verra jamais qu’une version incomplète -la version des faits d’un seul des deux protagonistes. Deux pièces en une, à l’image de toute situation qui s’avère bien plus complexe qu’elle ne semble en apparence, et dont on ne maîtrise jamais tous les tenants et aboutissants car on ne peut tous les voir.

Anne Monfort

LA PRESSE EN PARLE
La mise en scène requiert des procédés habituellement utilisés au cinéma, avec des personnages plus ou moins présents, plus ou moins nets, et avec une histoire qui doit toujours pouvoir se suivre des deux côtés du rideau. L’allégorie de la mort est évidemment très présente dans ce choix. (…) Une mise en scène audacieuse
L’Est républicain, 23 mai 2012

PRODUCTION
Production day-for-Night/cie Anne Monfort

Coproduction Le Granit – Scène Nationale de Belfort, avec le soutien du Conseil Régional de Franche-Comté, et le soutien de la Filature – Scène Nationale de Mulhouse et de la Ferme du Buisson – Scène Nationale de Marne-la-Vallée.

© Alexandre Planchot

DISTRIBUTION
Conception et mise en scène Anne Monfort

Avec Solène Froissart, Florent Guyot
Lumières et régie générale Frédéric Blanc
Collaboration artistique Charlène Strock
Composition musicale Baptiste Tanné
Espace sonore Emmanuel Richier
Regard chorégraphique Muriel Bourdeau
Remerciements tout particuliers à Nicolas Fine

DATES DE REPRÉSENTATION
Du 21 au 24 mai 2012 | Création
Le Granit – Scène nationale de Belfort

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